Transformation digitale : l’expression est devenue un buzz word. « Telle société a réussi sa transformation digitale », « tel service est en pleine transformation digitale », « voici les dernières tendances en matière de transformation digitale dans l’entreprise » – à toutes les sauces. On pourrait jurer que ce basculement vers le numérique est une révolution venue de nulle part.
Et si c’était un abus de langage ? Et si, en fait de transformation, il fallait plutôt parler d’évolution ?
La digitalisation de l’entreprise : un long processus évolutif
Quand Charles Darwin a présenté sa célèbre théorie de l’évolution, il s’est confronté à une communauté scientifique fort sceptique. C’est que, depuis la nuit des temps, l’Homme pensait que les progrès se faisaient par grands bonds. Pouf ! l’humain tel qu’on le connaît apparaît. Abracadabra ! il passe des huttes dispersées aux métropoles. Mais Darwin a instauré le concept de progression : il n’y a pas de révolutions, il n’y a que des évolutions.
L’idée de la « transformation digitale » n’y échappe pas. L’implémentation dans l’entreprise d’outils digitaux et de méthodes de travail basées sur les échanges numériques ne s’est pas faite en un jour. Le processus a été lent, progressif et logique : arrivée de l’informatique à la fin du XXe siècle, dématérialisation des documents, mise en réseau des ordinateurs, développement d’Internet, apparition des réseaux mobiles, etc. L’évolution s’est faite en douceur, au gré des mutations sociales.
La révolution n’est pas technologique
Il s’agit donc de ne pas tomber dans cette erreur trop commune : penser que la transformation digitale ne serait « que » technologique, alors qu’elle est d’abord liée à la société (au sens large). Saviez-vous que les premières voitures électriques ont été créées autour des années 1830 ? L’échec n’est pas venu de la technologie, mais bien du timing. Parfois, comme dit l’adage, c’est avoir tort que d’avoir raison trop tôt.
Mettez de côté un instant la question technologique et pensez à ce qui doit être transformé dans les entreprises : les outils métiers, l’organisation du travail, les habitudes et les modes de collaboration. La transformation digitale, c’est avant tout celle d’un écosystème. Briser les silos historiques entre services et métiers. Abaisser les frontières entre les départements. S’ouvrir aux évolutions venues du dehors. Apprendre à travailler autrement.
La transformation métier et l’objectif client
La transformation digitale n’est donc pas une fin en soi, c’est un moyen. Il ne suffit pas d’implémenter un logiciel à son SI pour se vanter d’avoir franchi une étape digitale. Il ne suffit pas de cocher les cases – IoT, plateformes collaboratives, ERP, intranet, social marketing, Inbound… – et de faire de l’innovation pour l’innovation pour « réussir sa transformation digitale ».
Non : il faut aussi refonder entièrement la démarche en redonnant le pouvoir aux utilisateurs – collaborateurs et clients. Ils doivent être à la base de la transformation digitale. Après tout, c’est pour et grâce à eux que le business model des entreprises est entièrement repensé : on le voit par exemple à la SNCF avec la volonté du groupe de “partir du besoin utilisateur, client ou agent, et travailler en mode agile” (comme l’explique Yves Tyrode, directeur Digital et communication, dans une interview ici) dès lors qu’il s’agit de mener à bien des projets digitaux.
Reconnaissons-le : la transformation digitale n’aura pas lieu parce qu’elle n’a jamais existé en tant que telle. Il s’agit d’un processus évolutif qui s’appuie sur la technologie pour intégrer des mutations sociales et humaines. C’est l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise qui est concerné, non pas seulement certains de ses outils. Le monde change, les consommateurs avec lui… et les entreprises avec eux.